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Re: [Fsfe-france] Logiciels libres et films italiens


From: Manuel Leclerc
Subject: Re: [Fsfe-france] Logiciels libres et films italiens
Date: Wed, 9 Jun 2004 16:33:18 +0200

Christophe Espern a écrit :

> Cher Manuel,

Je suis un peu étonné par ce mail. J'avais écrit dans une réponse à
Jean-Baptiste que je trouvais que nous commencions à nous répéter
et qu'il ne me semblait pas nécessaire de continuer à tourner en
rond. Je réponds quand même, vu que la mauvaise fois et la
démagogie, ça m'énerve, surtout quand on enrobe ça de "mon cher ami".

> Manuel Leclerc a écrit :
>
> > Quel est donc le besoin de liberté des films italiens ? Et les
> > films italiens qui _n_'ont _pas_ été produit, quel est donc leur
> > besoin ? Ca ne seraient pas plutôt les _spectateurs_ italiens qui
> > auraient des besoins, par hasard ?
>
> Et les auteurs et les utilisateurs de logiciels libres, ils ont pas
> des droits et des besoins, peut-être ? Et les logiciels libres que
> je pourrais créer demain, doivent-ils rester pensées, ne jamais
> s'incarner ?

Mais il ne s'agit pas de _tous_ les logiciels libres, il s'agit de
_certains_ logiciels, qu'ils soient libres ou _non_. Faut suivre un
minimum, quand même !

> Qui peut dire : "toi, tu as le droit de créer car tu as 94% de parts
> de marché et tu abuses notoirement de ta position dominante.

Et Apple, genre 5% de part de marché, ils ne distribuent pas de
lecteur de DVD ?

> Toi par contre, tu ne peux pas créer car tu permet, indirectement,
> à des tiers, que tu ne connais pas, de communiquer, éventuellement,
> à d'autre tiers des zéro et des un par voie électronique, sur
> lesquels j'ai des droits et que je ne contrôle pas

La question ne concerne pas (encore) l'écriture de logiciels de P2P.
Elle concerne l'écriture/distribution de logiciel de déprotection.

> car ton code est ouvert ?

Ce n'est pas le sujet.

> Qui peut dire : "toi, tu ne dois pas parler de cet algorithme, toi,
> tu ne dois pas étudier ce format, et toi là bas, ne fais pas un
> lien hypertexte vers ce logiciel sinon tu finiras en prison, petit
> ***."

Qui ? Le législateur.

Tu ne peux pas dire que tout le monde doit avoir le droit de tout
faire. Il faut des interdictions. Pour les justifier, tu dois faire
référence à la justice, à la morale, à l'intérêt collectif, à ce que
tu estimes le "mieux".

Parfois, il faut s'en tenir à des principes de protection des libertés
individuelles, en estimant qu'aucun bénéfice collectif ne vaut la peine
de les restreindre. Ou plutôt, il faut considérer que c'est bien
l'intérêt collectif qui est préservé, quand ces libertés individuelles
sont réaffirmées. Mais parfois, c'est le contraire : il faut limiter
les libertés individuelles dans l'intérêt collectif.

Je te ferais remarquer qu'on est pas libre de dire tout ce qu'on veut,
et que si tu distribues un texte contenant un appel au meurtre, une
apologie du racisme ou de la pédophilie, des thèses révisionnistes,
etc., tu vas te faire censurer. Il est INTERDIT de dire certaines
choses en public, aujourd'hui. La collectivité considère que cette
CENSURE est justifiée.

Je n'aime pas trop les "analogies", mais il me semble que cette
analogie avec la littérature est particulièrement pertinente. Il y a
bien un principe premier qui est la liberté d'expression, puis des
exceptions, au nom de l'intérêt général.

Je tiens beaucoup à la préservation d'une certaine forme de
marchandisation, et la copie numérique est un danger mortel pour
ce modèle. A partir de là, j'essaye d'être pragmatique : soit on
contrôle les échanges, soit on rematérialise les oeuvres. Je
l'ai déjà dit, si le P2P de contrefaction pouvait disparaître par je
ne sais quel coup de baguette magique, il n'y aurait plus aucune
justification au DRM (en ce qui me concerne, en tout cas). Je trouve
dommage que ceux qui s'opposent au DRM soit parfois aussi ceux qui
voudraient que tout ce qui est numérisables soit échangeable sans
aucunes contraintes. De mon point de vue, c'est une attitude
autodestructrice. De leur point de vue, j'imagine qu'il y a une sorte
de cohérence.

> > Est-ce que quelqu'un veut t'interdire de diffuser comme tu
> > l'entends ta musique, tes idées ou tes contes ?
>
> Mais oui, mon ami. Tu viens de marcher dedans.

Bien sûr que non. Relis. Et je ne suis pas ton ami.

> Au nom du droit d'auteur, on veut m'interdire de diffuser les
> logiciels libres que je pourrais créer demain pour faire écouter
> tes contes à des aveugles, même si tu n'es pas d'accord et que tu as
  ^^^

Et tu ne trouves pas un peu étrange de te retrouver obligé de parler
de MES contes pour répondre à ma question sur les TIENS ?

> mis des verrous partout, gros vilain, et même si c'est une
> collectivité territoriale qui me salarie avec l'argent du
> contribuable ou sous le regard bienveillant de l'UNESCO et à
> l'aide d'une technologie développée par l'IRCAM ou à Centrale.

Je le répète, pour la nième fois, je suis favorable à l'interdiction
des mesures de contournement et j'ai déjà dit à de nombreuses reprises
pourquoi. Que crois-tu que tu fais en répétant que cela te censure ?
Tu t'enfermes dans une attitude autiste, je pastiche le post de ce
bon Larry

Toi : c'est de la censure
Moi : c'est vrai, mais justifiée
Toi : c'est de la censure
Moi : Oui ! Mais cette censure est nécessaire
Toi : c'est de la censure
Moi : ok, mais cette censure vise à protéger un modèle de production
Toi : c'est de la censure
Moi : Gasp.

Si tu veux sortir de cette logique, tu n'as qu'une possibilité : tu
m'expliques en quoi CETTE censure serait à ce point grave et
intolérable qu'elle ne serait pas acceptable, même si son absence
est une menace mortelle pour le modèle (aka le monopole d'exploitation)
qui fait que les musiques, les films, les livres (etc.) existent.

Pour ce qui des aveugles, j'espère que cette interdiction permettra
un jour aux oeuvres litéraires d'être massivement disponibles sous
forme numériques, et je ne doute pas qu'alors des logiciels seront
disponibles pour en faire des lectures par synthèse vocale.

Faut-il un logiciel de contournement permettant d'entendre une fraction
microscopique de la production litéraire, ou faut-il mieux que
l'essentiel de la production litéraire soient _disponible_ en numérique,
avec des logiciels de lectures adaptés, et respectant le copyright ?

S'il y a de l'argent public dépensé pour écrire des logiciels de
contournement, je trouve ça scandaleux. Cet argent serait bien mieux
employés à subventionner l'édition de version "parlées" de telles ou
telles oeuvres, ou à subventionner l'écriture de logiciels respectant
le copyright, qui auront alors le soutien des éditeurs.

> Mais je crois que je te l'ai déjà dit que l'on voulait censurer des
> auteurs reconnus par l'UNESCO, pour certains chercheurs, avenir de la
> France, et ce au nom du droit d'auteur et bien que les logiciels
> libres fassent faire des économies à l'Etat et aux collectivités,
> comme l'a rappellé récemment notre Premier Ministre.

Je n'ai jamais dit que je voulais censurer les auteurs de logiciels
libres en général ! Nous parlons de DRM, je ne vois pas très bien le
rapport avec les économies dans les collectivités.

> > Alors de quoi parlons nous ?
>
> Sur la liste fsfe-france ? De la liberté de créer des auteurs de
> logiciels libres, de l'interopérabilité, du partage du savoir, du
> plus gros transfert de technos Nord/Sud de toute l'Humanité, des
> brevets logiciels qui doivent rester illégaux, de l'EUCD qu'il ne
> faut pas transposer, de la GPL qui est fort bien faite et très
> utilisée et de plein d'autre choses encore.

Ici nous parlons des mesures de contournement. Ca ne sert a rien
d'invoquer ta liberté, les aveugles, l'UNESCO et le Sud, si tu
refuses de discuter des raisons pour lesquelles je suis favorable
à l'interdiction. Je sais les inconvéniants, pratiques et morales,
de cette interdiction. Pourtant, je la défends, et j'ai amplement
expliqué pourquoi. Tant que tu ne t'attaqueras pas à mes arguments,
te contantant de parler de "censure" à propos de logiciels de
contournement, tu n'iras pas bien loin (je veux dire : si tu
souhaites faire évoluer les opinions).

Quand au transfert de technologie, il est parfaitement possible
même si tel ou tel lecteur de DVD n'est pas sous GPL. A vrai dire
je ne vois pas bien le rapport. Je veux bien discuter des conditions
qui feront que les pays du Sud deviennent des démocraties prospères
et éduquées, mais il me semble que c'est un peu hors sujet ici.

> > Je n'en ai peut être pas l'air, mais il y a un certain nombre de
> > sujet pour lesquels je suis ouvert, sans certitude définitive
> > (comme tout le monde, quoi). Par exemple, si on me dit "on
> > _doit_ pouvoir s'échanger gratuitement tout ce qui est
> > numérisable", je réponds non, tout de suite, parce que je vois bien
> > les _conséquences_ Mais c'est aussi parce que, face à ses
> > conséquences, je ne vois dans le camp d'en face aucune vision qui
> > pourrait me faire accepter ces conséquences. Je sens un non-dit,
> > un vide.
>
> Tu as raison.
>
> Je sens un non-dit dans le gouvernement dans la mesure où aucun membre
> du gouvernement n'a encore admis en public que les auteurs de logiciels
> libres ne pourront plus créer de lecteur DVD. Off, c'est désormais
> admis mais en public, que nenni. Et comme tu dis, je sens aussi un
> vide quand on aborde la libre concurrence, la théorie des facilités
> essentielles ou les dernières communications de la commission
> européenne sur les DRMS, l'interopérabilité et Microsoft.
>
> C'est ça. Un non-dit et un vide.

Je parlais de l'autre côté, du camps des opposants au DRM. J'ai
l'impression que cette opposition s'appuie en grande partie sur
une certaine philosophie, sur une vision de la société, etc.
Face à la force de leurs adversaires et de leurs arguments, les
opposants au DRM et autres transformations dans la legislation
vont devoir, à mon humble avis, remplir ce vide et mieux expliciter
la toile de fond de leurs positions.

Si tu as un peu de temps libre, tu peux lire le thread
"Petit Homme et Gros Nounours" sur fcold. Ca commence là :

http://groups.google.com/groups?selm=c980d7be.0301140155.123a0d55%40posting.google.com

Tu y trouveras vers la fin un extrait de l'interview de RMS à Byte.

"I would like to see people get rewards for writing free software
and for encouraging other people to use it. I don't want to see
people get rewards for writing proprietary software because that
is not really a contribution to society. The principle of capitalism
is the idea that people manage to make money by producing things
and thereby are encouraged to do what is useful, automatically, so to
speak. But that doesn't work when it comes to owning knowledge.
They are encouraged to do not really what's useful, and what really
is useful is not encouraged. I think it is important to say that
information is different from material objects like cars and loaves
of bread because people can copy it and share it on their own and,
if nobody attempts to stop them, they can change it and make it
better for themselves. That is a useful thing for people to do.
This isn't true of loaves of bread."        --RMS, 1986

Ce texte de RMS est le coeur du sujet, à mon humble avis.

> > This type of modern life
> > Is it for me?
> > This type of modern life
> > Is it for free?
>
> "Free as speech, not as beer"

C'est tiré d'un des CDs que j'écoute en boucle en ce moment. Il me
semble que le free dans "Is it for free?" a une signification
plus général, du genre "est-ce que c'est vraimant comme ça en
a l'air ?".

Enfin bon, les paroles de chanson, on les comprends comme on veut.

-- 
It is a peculiar irony that I can easily learn far more about the financial
dealings of Microsoft Corp., than I can about the Free Software Foundation,
where information wants to be free so long as it's other people's information.
                                                       --Denis Powell





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