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[Fsfe-france] Re: [escape_l] Une folle journée parlementaire . Jeudi 22


From: Jérôme Gleizes
Subject: [Fsfe-france] Re: [escape_l] Une folle journée parlementaire . Jeudi 22 décembre 2005
Date: Fri, 23 Dec 2005 01:25:01 +0100
User-agent: Mozilla Thunderbird 1.0.2 (Windows/20050317)



Nicolas Auray a écrit :

Vous serez peut-être intéressés par ce compte-rendu du débat parlementaire
fait par Jérémie Zimmerman pour la liste APRIL.
Bravo à tous!

---------------------------- Message original ----------------------------
Objet:   [APRIL] Une folle journée parlementaire.  Jeudi 22 décembre 2005
De:      "Jeremie ZIMMERMANN" <address@hidden>
Date:    Jeu 22 décembre 2005 4:49
À:       "FSF France" <    >
        "ML APRIL" <address@hidden>
--------------------------------------------------------------------------

-----BEGIN PGP SIGNED MESSAGE-----
Hash: SHA1

* L'intervention de C.Bliard (Les Verts) qui a suivi était également
fameuse (là encore un enregistrement séparé serait chouette) dans lequel
elle évoque la "course au lobbies" qu'a représenté l'élaboration de ce
projet de loi. (18 députés sont dans le parlement à ce moment)


Martine Billard

Députée de Paris

Les Verts

** Loi DADVSI : "Ce texte est contre l’esprit de liberté et de partage des cultures numériques que doivent promouvoir internet et les technologies multimédias, dans le respect du droit d’auteur" **

* Intervention en discussion générale.
1^ère séance du mercredi 21 décembre 2005. *

Je voudrais d’abord protester contre votre méthode de travail et la façon dans ce projet de loi vient devant notre Assemblée. Le projet de loi n’a pas été présenté devant la commission des affaires culturelles, qui n’a même pas été co-saisie, mais devant la commission des lois - à croire que le culturel est bien moins important que le répressif : ce choix en dit plus que tout le reste ! Le projet a été rédigé en 2003, mais examiné en commission seulement en juin. Il nous est aujourd’hui présenté avec l’urgence déclarée. Ce délai aurait pu être mis à profit pour organiser un débat pluraliste plutôt qu’une course aux lobbies. Je m’étonne d’ailleurs que la commission n’a même pas entendu les associations de bibliothécaires, documentalistes et archivistes réunies dans une inter-association qui, au côté de l’Association des maires de France et de la fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, dénoncent ce projet comme l’une des législations les plus déséquilibrées d’Europe. Elle n’a pas non plus auditionné les chercheurs ni, sauf en catastrophe ces derniers jours, les utilisateurs de logiciels libres qui sont plus de cent mille, à travers une pétition, à vous demander le rejet du texte en l’état.

Beaucoup sur des bancs de la majorité présentent cette discussion comme un arbitrage entre propriété intellectuelle et gratuité sur internet, et citent, pour faire peur, les quelques internautes accusés d’avoir téléchargé de la musique pour la revendre. Il s’agit effectivement dans ce cas d’une utilisation commerciale frauduleuse déjà réprimée par la loi. Le débat n’est pas là : il est entre deux conceptions de la culture.. La conception ouverte respecte le droit des auteurs et les rémunère, mais n’oublie pas que la culture est aussi échange, partage, don, plutôt qu’une addition de consommations individuelles, chacun devant son écran d’ordinateur - et en fonction de ses revenus. L’autre conception celle que vous proposez, s’intéresse au verrouillage du partage des œuvres culturelles et se préoccupe surtout des intérêts des majors de la musique et du film.

Ce ne sont pas uniquement les échanges sur internet, mais tous les supports, notamment multimédias, qui sont concernés par les nouveaux dispositifs législatifs. Cette loi qui légalise « les mesures techniques de protection » (DRM), aura pour conséquence de renforcer le monopole d’une grande entreprise nord-américaine, bien connue, de systèmes d’exploitation et de logiciels, Microsoft.

Ce sont donc aussi deux conceptions de l’informatique qui s’opposent, l’une dans les mains de quelques multinationales qui cherchent à tout verrouiller et à drainer l’ensemble des flux financiers, l’autre fondée sur le logiciel libre. La concurrence est déjà inégale entre ces deux acteurs, mais au moins le choix existe-t-il. Après le vote de ce texte, et pire encore si certains amendements sont adoptés, ce ne sera plus le cas. En effet, les mesures anti-copies prévues aux articles 7 et suivants, ne visent pas uniquement à empêcher une reproduction illimitée des œuvres, mais plus globalement à en marchandiser chaque utilisation, comme limiter le nombre de lectures en instituant des péages permanents. Ainsi, en achetant un DVD, vous devrez acheter en même temps l’appareil et le logiciel compatibles ! Nous sommes en pleine régression ! Il faudra se résoudre soit à ne pas pouvoir accéder à de nombreux biens culturels, soit à posséder le matériel requis, ce qui va introduire une nouvelle fracture numérique entre ceux qui auront les moyens et les autres. Cela rappelle la bataille des formats des premières vidéo-cassettes du début des années 1980. Et si l’acquisition s’effectue en ligne, votre ordinateur sera truffé de mouchards dont vous ne connaîtrez pas les conséquences, sans compter le risque d’introduction de virus, comme l’a montré la récente expérience de Sony. Et avez-vous pensé à tous les secteurs qui utilisent des logiciels libres - simples particuliers, mais aussi chercheurs, institutionnels et entreprises comme Thalès ? Ces mesures techniques risquent de limiter les possibilités d’accès gratuit aux œuvres légalement tombées dans le domaine public lors de l’extinction des droits patrimoniaux, dont le principe est dès lors remis en cause.

En outre, ce texte de loi va bien au-delà des obligations de la directive européenne 2001/29 qu’il est censé transposer. Les articles 13 et 14 assimilent à un délit de contrefaçon, passible de trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende, les simples faits de contournement ou de neutralisation des mesures techniques (ou même le fait d’en faire la publicité). Je sais que la riposte est graduée... Ainsi, si quelqu’un contourne une mesure anti-copie afin de faire une copie privée, ce qui est licite, il peut être condamné pour contrefaçon ! Si ce n’est pas une guerre contre le logiciel libre, cela y ressemble beaucoup.

Il est donc indispensable de prévoir des garde-fous pour que les mesures techniques ne viennent pas faire obstacle à l’interopérabilité entre systèmes d’exploitation (c’est l’objet de l’un de mes amendements). Je soutiendrai également l’amendement de certains collègues de la majorité qui exclut les protocoles, les formats, les méthodes de brouillage, de cryptage et de transformation, de la définition des mesures techniques, ainsi que celui qui vise à interdire toute restriction du nombre de lectures lorsque le premier accès est licite. Par ailleurs, comment comprendre que le Gouvernement refuse d’étendre aux bibliothèques, musées et archives ainsi qu’aux enseignants et aux chercheurs les exceptions aux droits de propriété intellectuelle ? Quant à celle concernant le handicap, elle est, en l’état actuel, insuffisante. Je rappelle que lors du débat sur le droit à prêts en bibliothèque, certaines vérités avaient été énoncées qui ne semblent plus l’être aujourd’hui !

Au-delà de mon opposition à la philosophie générale du texte ainsi qu’aux amendements scélérats de certains de nos collègues qui se font les relais des grands lobbies contre le monde du logiciel libre, il reste la question de la juste rémunération des créateurs face au développement du téléchargement de fichiers et des échanges « peer-to-peer ». Chaque nouvelle technologie est accusée de mettre en péril la diffusion des œuvres et leur rémunération. Cela fut le cas pour les cassettes audio, puis les films en vidéo ou le prêt en bibliothèque... Pourtant, toutes les études ont démontré que les plus gros emprunteurs étaient les principaux acheteurs de livres ! La question est donc bel et bien de trouver à chaque fois un nouvel équilibre. Le projet de licence globale optionnelle, mûri depuis plusieurs mois, peut être une solution. Il mérite en tout cas un examen sérieux. Je maintiens donc l’opposition des députés Verts à ce texte qui va à l’encontre de l’esprit de liberté, d’horizontalité et de partage des cultures numériques, dans le respect du droit d’auteur, que doivent continuer à promouvoir internet et les technologies multimédias.






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