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[Fsfe-france] Propriété intellectuelle : l’irruption du public


From: Laurent GUERBY
Subject: [Fsfe-france] Propriété intellectuelle : l’irruption du public
Date: Thu, 23 Jun 2005 00:36:53 +0200

Un excellent article, via escape_l.

Laurent

http://www.freescape.eu.org/biblio/article.php3?id_article=228
<<
Propriété intellectuelle : l’irruption du public
Discours prononcé lors du colloque "La propriété intellectuelle en question(s)" 
à Nantes
Mis en ligne le mercredi 22 juin 200
5.

C’est entendu, désormais : la propriété intellectuelle n’a jamais été
aussi chahutée. Le droit d’auteur est contesté dans les pays développés,
où l’Internet et le numérique servent à piller la création menaçant les
équilibres des filières culturelles. Les brevets sur les médicaments
sont attaqués par des ONG et des associations de patients du Sud. On
trouve même un groupe de pays autoproclamés « amis du développement »
qui réclament une réforme radicale de l’Organisation mondiale de la
propriété intellectuelle, jugée exagérement au service du Nord !
Partout, on piétine la propriété intellectuelle, on la critique, on la
conteste.

La contestation des règles de la propriété intellectuelle n’a rien de
neuf. Mais il y a tout de même une spécificité à ce mouvement moderne de
critique : tous ces néo-insurgés de la propriété intellectuelle forment
un mouvement étonnamment large. Un mouvement qui réunit des internautes,
des paysans, des militants d’ONG, des économistes... des juristes, même.
Au Nord comme au Sud. Des internautes manifestent en Suède contre une
loi durcissant le régime du droit d’auteur ; des informaticiens
ferraillent sur le Web et dans les couloirs de Bruxelles et Strasbourg
pour empêcher les brevets logiciels ; on pétitionne, partout, contre les
brevets sur les médicaments. La critique de la propriété intellectuelle
est désormais dans le débat public. La critique de la propriété
intellectuelle émane désormais du public. Nous voila assez loin de la
précédente contestation importante, celle qui vit les économistes
libéraux mener la charge contre les brevets au milieu du XIXème [1]. Ca
tangue, mais les experts ne sont plus les seuls à discuter, on n’est
plus entre soi.

Cette fois, le public s’est invité à bord. Par hasard ? Non, par
nécessité : il est désormais touché par un droit qui jusque là
concernait surtout les professionnels. Car la culture, pour atteindre le
public, a longtemps requis des intermédiaires, des investissements,
l’entremise d’un objet physique qui incarnait cette propriété
immatérielle. Pendant que les auteurs, compositeurs, interprètes,
éditeurs, producteurs, diffuseurs s’étripaient au nom du droit d’auteur
ou des droits voisins, le public n’était pas touché, faute d’avoir accès
lui-même à des moyens de reproduction ou de diffusion. On lui avait même
aménagé des espaces de liberté -droit de citation, fair use ou copie
privée- afin que ses usages de copieurs ne tombent pas sous le coup de
la loi.

Avec l’Internet et le numérique, c’en est fini. L’oeuvre s’est détachée
de son support, reproductible d’un clic. Et seule la règle de loi, pas
des contingences techniques ou matérielles, en bride la circulation
infinie. Se saisissant de l’oeuvre elle-même, qu’il peut manipuler,
remixer, diffuser, copier, le public se retrouve confronté en direct au
droit d’auteur.

La même logique est à l’oeuvre pour le brevet, même si le phénomène est
de moindre ampleur et trouve sa source plus dans l’extension du domaine
des brevets que dans une innovation technique : quasi exclusivement
outil de professionnel, le brevet s’est invité dans le quotidien d’un
nombre croissant de personnes. Ainsi des paysans soumis aux brevets sur
les semences OGM, ou des patients incapables de s’offrir des traitements
dont le prix est renchéri par le monopole. Mais aussi des programmeurs
de logiciels, à qui l’on veut désormais imposer des brevets... Partout,
des individus se retrouvent désormais en prise directe avec les brevets.

Ce sont bien dans ces zones de friction entre le public et les créateurs
ou innovateurs que s’est développée la plus virulente contestation de la
propriété intellectuelle, et avec elle une contrefaçon cool, sans
complexe. Encouragée par une connaissance souvent sommaire du droit. Ce
qui n’a rien de surprenant : nul n’est censé ignorer la loi, bien sûr.
Nul n’est donc censé ignorer le Code de la propriété intellectuelle, le
traité de Rome, la convention de l’Office européen des brevets, les
accords Adpic (et la déclaration de Doha) ou le principe des Bolar
exemptions. Et puis tout un tas de choses passionnantes comme savoir
-par exemple- si la copie privée est une exception, un droit ou un droit
à l’exception. Que du bonheur ! Et bizarrement, les autodidactes de la
propriété intellectuelle ont commencé à protester, à contester, à
critiquer, -à pirater, même ! -avant même de lire tout ces textes
poétiques.

Face à ce phénomène, les spécialistes, juristes et entreprises ou
organisations expertes de la propriété intellectuelle, ont réagi -et
plutôt avec virulence- pour rappeler la Loi. Plusieurs milliers de
procès ont ainsi été lancés contre des internautes usagers du
peer-to-peer. « C’est notre guerre à nous contre le terrorisme », a dit
avec délicatesse Jack Valenti [2], l’ex patron des syndicats
hollywoodiens. Vous savez, le même qui avait tenté d’obtenir
l’interdiction du magnétoscope dans les années 80, machine qui était [je
cite] « à l’industrie du cinéma ce que l’étrangleur de Boston était au
femmes seules chez elles ». Partout ce sont des conflits, des menaces,
des affrontements, du lobbying auprès des gouvernements et institutions
internationales pour colmater les brèches d’une propriété intellectuelle
tabassée. Une guérilla sans fin, menée au nom de jolis principes
-évidemment- ceux de la création, de l’innovation.

« Mais enfin, sans protection, les créateurs ne créeraient plus ! »,
rappelle-t-on à ce public indiscipliné.

C’est vrai, ça. Mais on peut aussi se demander si le gros bon sens est
d’une quelconque utilité pratique pour définir des politiques sur un
sujet aussi complexe et subtil que la définition de droits sur des
objets immatériels...

Car pour le béotien en propriété intellectuelle qui, par nécessité
citoyenne, tente de se plonger dans les arcanes de ce champ du droit,
c’est peu de dire que les politiques dominantes aujourd’hui dans le
monde et toutes menées -évidemment- au nom de cette « nécessaire
protection » peuvent susciter quelques interrogations et de nombreuses
réserves.

Première axe de ces politiques : le renforcement et l’allongement de la
protection conférée par les droits de propriété intellectuelle. Le
copyright a été allongé de 20 ans aux Etats-Unis. La Commission
européenne est sommée par l’industrie du disque d’allonger les droits
voisins au-delà des 50 ans actuels. On peut désormais breveter le
vivant, les logiciels, un droit sui generis couvre les bases de données
en Europe... Or, il ne faut pas gratter longtemps pour découvrir
qu’allonger le copyright de 20 ans aux Etats-Unis est contestable [3].
Qu’avec le même genre de raisonnement, on en vient à trouver saugrenu
qu’Esope soit dans le domaine public. De même, breveter le vivant a
beaucoup d’effets pervers, les brevets logiciels sont instrumentalisés
pour saccager la construction de l’open source. Et le droit d’auteur
sert à censurer des technologies révolutionnaires de diffusion de la
culture au seul profit des maisons de disques [4]. Arguments
carricaturaux, discutables, à débattre ? Bien sûr ! Mais il ne suffit
pas de sauter sur sa chaise en hurlant « droit exclusif, droit exclusif
» pour emporter la conviction de gens qui découvrent la propriété
intellectuelle.

Deuxième axe de ces politiques : via l’Ompi, l’OMC et notamment les
accords Adpic, il s’agit désormais d’harmoniser les droits de propriété
intellectuelle partout dans le monde. Un monde, un brevet, un copyright
et le développement pour tous ! Et là encore, que découvre le public ?
Que la plupart des pays aujourd’hui développés ont été des
nations-pirates du temps de leur développement ; les Etats-Unis au
premier chef, quand ils ont refusé de reconnaître le copryight des
oeuvres anglaises pour doper une filière éditoriale naissante. Que
Philips a fait fortune grâce à l’invention du filament de carbone par
Edison : facile, la Hollande ne reconnaissait pas les brevets à l’époque
et Gérard Philips a pu améliorer et vendre l’innovation d’Edison sans se
préoccuper d’accords de licences complexes. Que l’industrie
pharmaceutique suisse -Roche, Novartis...- tire sa puissance de longues
années sans brevets où les firmes locales ont pu se faire les dents en
pompant les médicaments étrangers. Troublant, non ? Ben non. Les
contestataires de la propriété intellectuelle ne sont pas censés être
troublés.

Troisième axe : l’effacement progressif du créateur derrière
l’investissement et l’entreprise. A qui va-t-on faire croire que
l’apparition des systèmes de Digital Rights Management (DRM) ou des
mesures techniques de protection dans la loi va transformer du jour en
lendemain le métier de musicien et ou de compositeur en martingale et
modifier les rapports de force au sein de filières culturelles dominées
par les producteurs ? Quant aux brevets, cela fait bien longtemps que le
discours convenu sur sa nécessité pour défendre la petite entreprise
innovante face au grand dinosaure endormi fait hurler de rire les
dirigeants de ces grandes entreprises, passées expertes dans l’art de
gonfler un porte-feuille de brevets à des fins stratégiques. Les figures
sympathiques de l’auteur solitaire ou de l’inventeur génial, très
présentes dans les discours, le sont beaucoup moins dans les grands
textes internationaux, comme les accords Adpic. Les intermédiaires de la
création -entreprises, producteurs, éditeurs, distributeurs- ont appris
depuis longtemps à instrumentaliser les discours séduisants sur la
défense de l’auteur ou de l’inventeur pour leur seul profit. Faut-il
cacher cette réalité au public ?

Dernier axe : l’éducation et la pédagogie. Ah, l’éducation ! Voila en
théorie une riche idée : après tout, puisque le public est désormais
concerné en direct par la propriété intellectuelle, il est important
qu’une éducation à celle-ci soit faite. N’est-il pas temps de lui
expliquer la naissance de la propriété intellectuelle, les premiers
brevets à Venise, l’engouement de Victor Hugo pour le domaine public, le
mécanisme subtil des licences obligatoires ou légales, les arcanes du
droit moral ? Non ! Trop compliqué sans doute. La pédagogie consiste à
dire que la contrefaçon c’est du vol. Au mépris des évidences
économiques, de la différence entre bien public et bien privé, de la
construction lente et par strates de la propriété intellectuelle, des
centaines de règles, d’exceptions, de cas particuliers qui forment un
édifice délicat, fragile et qui fut sujet à de multiples révisions
historiques. L’éducation à la propriété intellectuelle, c’est
malheureusement trop souvent le royaume de l’analogie boîteuse, où l’on
prend des exemples du monde physique pour éclairer l’immatériel.
L’analogie du boulanger est ma favorite et une des plus répandues,
notamment utilisée par l’industrie du disque en guerre contre le
téléchargement gratuit. Sans doute parce que tout le monde mange du
pain, c’est censé parler aux gens. Le boulanger, donc. Imaginons un
système de peer-to-peer spécial pain. Tous les croissantonautes
téléchargent gratuitement les viennoiseries. Ben le boulanger, voyez, il
ferme parce qu’il ne gagne plus d’argent, nous dit-on. Comme tout le
monde peut acheter à la Fnac un graveur de croissant ou, en quelques
clics, multiplier les pains, évidemment, on mesure la pertinence d’une
telle analogie. On se demande même si ce n’est pas pour cette raison que
Jesus a été crucifié par le syndicat de la boulangerie de Judée il y a
quelque 2000 ans !

A tort ou à raison, un nombre croissant de gens s’inquiètent de la façon
dont la propriété intellectuelle est modelée aujourd’hui. Pour le dire
crûment, ils ont l’impression que ces politiques renforcent sans cesse
le pouvoir des titulaires de droit au détriment du public, le pouvoir du
Nord au détriment du Sud. Et qu’en plus, on se sert bien souvent d’une
propagande de médiocre qualité pour les justifier. Et après, il faudrait
s’étonner qu’il y ait des ruades ?

Le public -les militants, les usagers, l’opinion- s’est invité dans les
débats sur la propriété intellectuelle, et c’est une grande nouvelle. La
matière est exceptionnelle, l’enjeu immense : celui de l’arbitrage des
conflits de l’immatériel, dont l’importance va croissant aujourd’hui. La
propriété intellectuelle n’a jamais été aussi nécessaire qu’aujourd’hui
mais elle requière un regard neuf, riche, équilibré : il faut désormais
associer le public à son organisation. La propriété intellectuelle avait
été dessinée au profit des seuls acteurs professionnels de l’immatériel,
elle doit désormais répondre à son objectif initial : garantir
l’équilibre entre les créateurs et le public. C’est un retour aux
sources, à l’essence même des premières règles modernes. Souvenons-nous
de le Chapelier, en 1791 : la propriété d’un auteur sur son oeuvre est «
la plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable » des propriétés
mais elle est aussi « d’un genre tout différent des autres propriétés.
Lorsquíun auteur fait imprimer un ouvrage ou représenter une pièce, il
les livre au public, qui s’en empare quand ils sont bons, qui les lit,
qui les apprend, qui les répète, qui s’en pénètre et qui en fait sa
propriété » [5].

Il faut revenir aux fondamentaux de la propriété intellectuelle :
dessiner la frontière entre protection et reconnaissance des créateurs
d’un côté et circulation la plus large possible des savoirs et de la
culture de l’autre. Sans considérer que le deuxième terme découle
automatiquement du premier. Sans oublier non plus que les créateurs ont
aussi besoin d’un accès large au savoir pour créer.

Et il serait vain de croire qu’il suffira de concéder quelques
aménagements, rustines juridiques de charité et autres « exceptions » à
un droit exclusif ! La tentation est grande : brevets sur les
médicaments pour tous, mais ok pour quelques licences obligatoires -tout
en n’oubliant pas de traiter de « voleurs » les pays qui osent édicter
de telles licences, comme le Brésil récemment [6]. Droit d’auteur
partout, mais laissons un embryon de copie privée -une exception, on
vous dit !- aux « consommateurs ».

Ces bricolages opportunistes seront insuffisants pour régler les
multiples conflits de l’époque. C’est un changement de perspective qui
est nécessaire : le public ne peut plus rester le point aveugle de la
propriété intellectuelle. Sauf à considérer qu’il est sain de traîner
devant les tribunaux ces hordes d’ignorants qui persistent à vouloir
remplir leur baladeur numérique de milliers de chansons. Ou d’ouvrir
partout des lignes téléphoniques de dénonciation anonyme, comme Monsanto
l’a fait un temps au Canada pour défendre ses précieuses semences
brevetées...

C’est d’autant plus absurde que les règles de la propriété
intellectuelle ont depuis longtemps prouvé leur souplesse. Appliquées
sans amendement, elles auraient condamné la musique enregistrée à la fin
du XIXè, ou la radio un peu plus tard : c’est bien ce que réclamaient
les éditeurs de partitions menacés par les pianos mécaniques puis les
grammophones ; avant que ces derniers ne se mettent à râler contre la
radio [7].

Les règles de la propriété intellectuelle ont prouvé leur souplesse, à
condition de ne pas les assimiler au seul droit exclusif : limites dans
le temps, licences obligatoires ou légales, gestion collective,
aménagements sui generis -voire absence de droits !- tous ces leviers
doivent être actionnés pour répondre aux exigences de la réalité. Même
raisonnement pour les modes de rémunération des créateurs : paiement à
l’acte, licences, mais aussi financements mutualisés indirects,
subventions, etc.... la diversité des modes de financement et de
rémunération assure aussi la diversité de la création.

La propriété intellectuelle a prouvé sa souplesse car c’est en
s’appuyant sur elle que sont apparues des licences innovantes comme la
General Public License pour le logiciel ou les Creative Commons pour la
culture. La GPL dans le logiciel a suscité l’explosion de l’innovation,
permis l’apparition d’une concurrence vive et ouverte au quasi-monopole
de Microsoft, politisé des milliers d’informaticiens soudain conscients
du rôle de leur travail dans le monde contemporain. Et les juristes et
les économistes en sont encore à pédaler pour comprendre comment tout
ceci a pu se produire ! Quant aux licences Creative Commons, elles
permettent de clarifier les règles de mise à disposition de la création
sur le Web et a été adoptée en quelques mois par des dizaines de
milliers d’amateurs et de professionnels, de chercheurs désireux de
publier en se passant des éditeurs, de musiciens -jusqu’à la BBC pour
ses archives ! Menacée, la propriété intellectuelle ? Le succès de la
GPL et des Creative Commons semble prouver, au contraire, qu’un peu
d’imagination lui redonne bien du lustre et éveille le public à ses
charmes !

Certains sont pourtant tentés de brider ce mouvement des Commons, comme
des juristes américains l’ont appelé, porteur d’une grande richesse
collective et d’innovations. Ainsi, il y a quelques mois, une
porte-parole de l’office américain des brevets s’indignait que l’Ompi
ait envisagé de tenir un meeting sur le logiciel libre [8], arguant que
ce n’était pas le rôle de l’institution d’en débattre. Ah oui ? Que la
GPL, ossature juridique des logicels libres, tire sa légitimité des
règles du copyright ou du droit d’auteur ne suffit donc pas ? Faut-il
croire qu’il existe une essence secrète à la propriété intellectuelle
qui serait inaccessible au public ?

En France, ces derniers jours c’est la Chambre syndicale des éditeurs de
musique et le Syndicat des auteurs-compositeurs [[Voir leur « Livre
blanc sur le peer-to-peer » sur le site du Snac : www.snac.fr] qui ont
eux craché sur Creative Commons -initié par un professeur « américain »,
imaginez l’horreur ! Leur critique se voulait défense du droit
exclusif..... alors même que Creative Commons s’appuie sur ce droit
exclusif. Illogique ? Sur le plan de l’argumentation, c’est un
euphémisme. En revanche, sur le sens de cette charge, c’est plus clair :
public, rentre chez toi, il n’y a rien à voir et nous ne voulons rien
changer à nos habitudes.

Toute évolution de la propriété intellectuelle doit revenir à un
principe fondamental : l’équilibre. Sinon, elle ne sera qu’un chiffon
rouge et risque d’être emportée par la désobéissance civile généralisée.
Proudhon disait (j’adore citer Proudhon, cela fait toujours frissonner
l’assistance) ; Proudhon disait, donc : « La propriété, c’est le vol !
». Au XIXème, le député Proudhon a manqué de se faire caillasser pour de
telles paroles. Pensez ! Critiquer la propriété à l’époque de Thiers et
Guizot, à l’époque de la répression des manifestations ouvrières à coups
de fusil ! Mais il faut lire Proudhon avant de s’inventer des
épouvantails politiques commodes : il rappelait juste une évidence, que
la propriété est un compromis social, que toute définition juridique de
la propriété faite par les dominants et pour les dominants est une
spoliation de la majorité du peuple. Et porte en germe la violence, les
conflits sociaux et la guerre civile, une perspective que rejetait
Proudhon, ce qui, d’ailleurs, l’opposait à Marx, impatient de voir le
capitalisme s’effondrer sous le poids de ses contradictions. Sans se
complaire dans l’emphase (trop tard ?), il en est de même avec la
propriété intellectuelle, comme avec toute régle de droit en régime
démocratique : sa définition et ses régles doivent prendre leur source
dans la société toute entière -et non pas dans les mémos de quelques
industries- si l’on espère la faire respecter sans user de la coercition
généralisée. Cette seule évidence a toujours dérangé ceux qui espérent
instrumentaliser la loi à leur seul profit. Elle ne peut que réjouir
tous ceux qui sont soucieux du bien commun.

Ce discours a été prononcé le 16 juin 2005 lors du colloque "La
propriété intellectuelle en question(s)" organisé par le professeur
André Lucas à l’occasion des 10 ans du master "propriété intellectuelle"
de l’université de Nantes.

Licence : Creative Commons by-nc-sa

[1] Fritz Machlup et Edith Penrose, The patent controversy in the XIXth
century, Journal of Economic History, 1950

[2] Amy Harmon, « Black hawk download », The New York Times, 17 janvier
2002

[3] François Lévêque, Un droit d’auteur trop long, voir :
www.freescape.eu.org/biblio/article.php3 ?id_article=124

[4] Florent Latrive, Du bon usage de la piraterie, Exils, 2004, chapître
2

[5] Anne Latournerie, Aux sources de la propriété intellectuelle, 2001.
Voir sur Biblio du Libre : www.freescape.eu.org/biblio

[6] Voir ainsi le discours de l’association américaine Defenders of
property rights. http://www.yourpropertyrights.org/index.asp ?bid=139

[7] Mark Coleman, Playback ; From Victrola to MP3, Da Capo Press, 2004

[8] William New, Global Group’s Shift On ’Open Source’ Meeting Spurs
Stir, Technology Daily, 19 août 2003
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