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Re: [Fsfe-france] concepts et questions de terminologie


From: antoine moreau
Subject: Re: [Fsfe-france] concepts et questions de terminologie
Date: Mon, 09 May 2005 18:16:21 +0200
User-agent: Mozilla Thunderbird 1.0 (Macintosh/20041206)

Le 5/9/05 12:53 PM, Loic Dachary a peut-être écrit (may be wrote) :
 > Les bonnes catégories se trouvent :
 > - dans les points communs qui se dégagent des éléments qui se rapprochent.
> - dans les dissensions qui s'établissent lorsque l'unité des points > communs est mise en péril.

        Bien que j'ai du mal à suivre (qu'attendre d'autre d'une
personne plongée chaque jour dans un univers d'instructions et parlant
plus le langage machine que celui des hommes ;-), je suis intéressé
par ce que tu dis et rien ne me choque. Rien non plus ne me semble
contredire la position que je défend ici, qui consiste simplement à
éviter la négation d'une différence que je crois importante. La
différence entre le logiciel et les autres oeuvres immatérielles
existe bien aujourd'hui et je pense qu'il serait stérile de la
nier. Tout comme il serait absurde de nier que cette différence marque
de facon importante nombre des écrits les plus pertinents concernant
le Logiciel Libre. Si un désir de rapprochement entre deux choses
ignore leur différences au lieu de les intégrer, je crois que c'est de
l'aveuglement. Rapprocher et établir des ponts entre chaque chose
d'accord, nier ce qui distingue chaque chose pour y parvenir, pas
d'accord.

Bon, ce n'est pas facile à expliquer tout ça et je ne suis pas sûr que nous soyons en désaccord, c'est plutôt affaire ce qui peut l'un et l'autre nous déterminer, nos pratiques distinctes. Il n'est pas question de nier les différences, mais d'*affirmer un retournement de situation*. Un peu comme on retourne un indic en matière d'espionnage : en faire un agent double pour avoir les bonne infos de ce qui se passe de l'autre côté (là je veux dire du miroir). On croira alors que l'agent ainsi retourné tient un double langage. Non pas : il opère pour la puissance qui l'a retourné, c'est sa nouvelle fonction. Et qu'il s'y tienne ! Toute création procède ainsi. En arts plastiques c'est visible, ça saute à la figure tellement c'est moteur de ce qui se met en place. Le Libre est bien aussi un retournement de situation, ce qu'il poursuit c'est une puissance certaine et le c à l'envers du copyleft est plutôt explicite quand à cette opération littéralement révolutionnaire (quand CC est un doublement du c, je n'oserai dire une restauration). C'est sous notre nez, visible, sensible, les dessins mêmes y sont si les mots n'y suffisent pas.

Je vais citer Michel de Certeau (un jésuite, pas un nihiliste) citant un spécialiste de Duchamp pour essayer de faire saisir la situation tournante contemporaine :

<cite>
Il s’agit d’épuiser le sens des mots, de jouer avec eux jusqu’à les violenter dans leurs attributs les plus secrets, à prononcer enfin le divorce total entre le terme et le contenu expressif que nous lui reconnaissons à l’accoutumée . Michel Sanouillet, in Marcel Duchamp, Duchamp du signe. Ecrits. Cité par Michel de Certeau.

Dès lors, l’important n’est plus le dit (un contenu) ni le dire (un acte), mais la transformation, et l’invention de dispositifs, encore insoupçonnés, qui permettent de multiplier les transformations.

Michel de Certeau, L’invention du quotidien, 1. arts de faire.
</cite>


Si l'intention est de multiplier les transformations, comme il se doit (c'est loin d'être un caprice arbitraire, c'est un nécessité politique, culturelle, économique etc.), alors il faut comme le disait miluz tout à l'heure saisir qu'il y a porosité entre les domaines. Et les frotter les uns aux autres, voir même les cogner qu'il y ait production d'étincelles, étonnements, découvertes insoupçonnées, inventions, des greffes !

En fait, si nous pataugeons un peu sur des questions de terminologie c'est qu'un certain raisonnement qui procède par argumentation trouve sa limite quand la raison ne suffit plus à dégager de l'invention.

Et je vais finir par le fin du fin, la crême en la matière (explosion !) de langue et de jeu et du vrai la dedans (qu'il n'y a que ça qui ait lieu) :


<cite>
Vous ne comprenez pas stécriture. Tant mieux, ce vous sera raison de l'expliquer. Et si ça reste en plan, vous en serez quitte pour l'embarras. Voyez, pour ce qui m'en reste, moi j'y survis.
(...)
Non pas que puisse s'en attendre jamais ce rapport dont je dis que c'est l'absence qui fait l'accès du parlant au réel. Mais l'artifice des canaux par où la jouissance vient à causer ce qui se lit comme le monde, voilà, l'on conviendra, ce qui vaut que ce qui s'en lit, évite l'onto -, Toto prend note, l'onto -, voire l'ontotautologie.
Pas moins qu'ici.
Jacques Lacan in la postface de "Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse", essais ed du seuil.
</cite>

Peut-être que la justesse d'un raisonnement est sa justesse. Trop grande justesse, étroitesse, quand ce qui est demandé à l'esprit c'est d'inventer et de transformer l'existant ne serait-ce que pour trouver ce qui a toujours existé. Et amha ce qui a toujours existé c'est l'inter-dit, ce qui est dit entre les mots, le choc des mots entre eux, comme choc de matières différentes. C'est avec l'agencement de ces chocs là qu'ont peut faire des phrases et raisonner justement (c'est à dire avec ajustements) libre d'un raisonnement juste, trop juste.

Donc, entre nos domaines et matériaux apparemment distincts, il y a bien rapport. Ce qui ne se pose pas comme solution, mais bien comme problème à envisager et comprendre.

--

antoine moreau




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