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[Fsfe-france] Logiciel Libre / Christophe Caron / Dalloz


From: Loic Dachary
Subject: [Fsfe-france] Logiciel Libre / Christophe Caron / Dalloz
Date: Fri, 27 Jun 2003 16:11:27 +0200

        Bonjour,

        Suite à l'article de Christophe Caron
(http://arbiter.wipo.int/domains/panel/profiles/caron.pdf) (Recueil
Dalloz numéro 23, pages 1556 à 1559) intitulé : Les licences de
logiciels dits "libres" à l'épreuve du droit d'auteur français, la
Free Software Foundation souhaite demander un droit de réponse.

        Il est dit dans l'article: [C'est surtout la licence connue
sous l'appellation "licence publique générale du projet GNU" qui mérite
une attention toute particulière et c'est elle qui, à titre d'illustration,
nous retiendra dans le cadre de la présente étude].

        Or, la Free Software Foundation est auteur de la GNU GPL. Elle
peut donc probablement, à ce titre, prétendre à un droit de
réponse. Je ne suis pas certain des motifs qu'il faut
invoquer. L'article ne contient pas de propos diffamants sur la Free
Software Foundation, cependant il contient sans aucun doute des contre
vérités sur le contenu de la GNU GPL. Par exemple: [En d'autres
termes, le titulaire des droits sur un logiciel qui se trouve
incorporé dans un programme libre est censé se voir appliquer, au
mépris de l'article 1165 du code civil, les stipulations d'un contrat
auquel il n'a pas souscrit]. L'article tire de ces contre vérités une
conclusion fausse : [Le système des logiciels libres, tel qu'imaginé
par la principale licence qui les encadre, est certainement, pour
reprendre une expression docttrinale, "subversif". Mais, surtout, il
méconnait des principes fondamentaux qui gouvernent les droits
patrimoniaux en droit d'auteur].  Il est impardonnable et indigne d'un
juriste d'induire délibérément le lecteur en erreur.

        A contrario, il est possible et légitime de relever et
expliciter les risques juridiques liés à la GNU GPL, comme ont pu le
faire Cyril Rojinsky et Vincent Grynbaum. Si l'on prend soin dans le
même temps de rappeler qu'il n'existe aucune licence logiciel, libre
ou propriétaire, qui soit exempte de risques, tout est bien. On évite
alors l'écueil qui consiste à promouvoir l'idée que l'existence d'un
risque juridique serait l'apanage des licences libre et qui
épargnerait les licences propriétaires. Objectivitement, et toute
proportions gardées, les licences propriétaires ont généré un nombre
de litiges beaucoup plus nombreux (sur le sujet de leur conformité au
droit français) que les licences libres. On pourrait donc même
conclure que la concrétisation du risque dans le cas d'une licence
libre est bien moins probable que dans le cas d'une licence
propriétaire. J'ai bien sûr beaucoup regretté que cet aspect n'ai pas
été présent dans l'article de Cyril Rojinsky et Vincent Grynbaum. Mais
il s'agissait d'un article honnête et exact.

        Or Christophe Caron exploite abondament les descriptions des
risques légaux liés aux licences libres provenant de l'article de
Cyril Rojinsky et Vincent Grynbaum. L'absence de mise en perspective
sur les risques liés aux licences logiciel en général lui laisse libre
champ pour exploiter ces données objectives à des fins qui tiennent
plus de la propagande que de l'analyse. C'est tout à fait regrettable
et peut-être que Cyril Rojinsky et Vincent Grynbaum voudront
s'associer à la tentative de droit de réponse pour exprimer le fait
qu'ils ne sont pas en accord l'exploitation que Christophe Caron fait
de leur article.

        Concernant le corps de la réponse, j'imagine qu'une approche
possible consisterait à relever avec clareté les erreurs de l'article.
La conclusion pourrait porter sur la subjectivité exprimée de
Christophe Caron (en relevant les propos tels que "se méfier des
utopies aussi sympathiques soient-elles", "non sans manichéisme",
"glorifier cette licence" etc.) et s'étonner qu'elle ait pu le pousser
à se comprometre au point d'écrire un article de propagande.

        L'erreur essentielle qui décrédibilise l'article tient au fait
qu'il s'appuie sur une contrefaçon (ironie ;-).  La reflexion de
Christophe Caron repose sur une traduction en français de la GNU GPL
qui se trouve sur http://www.linux-france.org/article/these/gpl.html.
Il précise que cette traduction est "officieuse" ce qui est un
euphémisme, surprenant de la part d'un juriste, signifiant que c'est
une contrefaçon. Elle n'a pas été autorisée par l'auteur de la
licence, la Free Software Foundation. Mais c'est aussi une contrefaçon
au sens commun car elle déforme le sens de la licence. En particulier,
la traduction contient le paragraphe suivant:

       Toutes ces conditions s'appliquent à l'ensemble des modifications.
       Si des éléments identifiables de ce travail ne sont pas dérivés du
       Programme et peuvent être raisonnablement considérés comme
       indépendants, la présente Licence ne s'applique pas à ces éléments
       lorsque Vous les distribuez seuls. Mais, si Vous distribuez ces
       mêmes éléments comme partie d'un ensemble cohérent dont le reste
       est basé sur un Programme soumis à la Licence, ils lui sont
       également soumis, et la Licence s'étend ainsi à l'ensemble du
       produit, quel qu'en soit l'auteur.

        qui est supposé être la traduction du paragraphe:

       These requirements apply to the modified work as a whole.  If
       identifiable sections of that work are not derived from the
       Program, and can be reasonably considered independent and
       separate works in themselves, then this License, and its terms,
       do not apply to those sections when you distribute them as
       separate works.  But when you distribute the same sections as
       part of a whole which is a work based on the Program, the
       distribution of the whole must be on the terms of this License,
       whose permissions for other licensees extend to the entire
       whole, and thus to each and every part regardless of who wrote
       it.

        dont une traduction plus fidèle serait:

       Ces obligations s'appliquent à l'ouvrage modifié pris comme un
       tout.  Si des éléments identifiables de cet ouvrage ne sont pas
       fondées sur le Programme et peuvent raisonnablement être
       considérées comme des ouvrages indépendants distincts en eux
       mêmes, alors la présente Licence et ses conditions ne
       s'appliquent pas à ces éléments lorsque vous les distribuez en
       tant qu'ouvrages distincts.  Mais lorsque vous distribuez ces
       mêmes éléments comme partie d'un tout, lequel constitue un
       ouvrage fondé sur le Programme, la distribution de ce tout doit
       être soumise aux conditions de la présente Licence, et les
       autorisations qu'elle octroie aux autres concessionaires
       s'étendent à l'ensemble de l'ouvrage et par conséquent à chaque
       et toute partie indifférement de qui l'a écrite.

        Or, Christophe Caron cite à l'appui de ses interprétation une
portion de la traduction contrefaite:

       ... comme partie d'un ensemble cohérent dont le reste
       est basé sur un Programme soumis à la Licence, ils lui sont
       également soumis, et la Licence s'étend ainsi à l'ensemble du
       produit, quel qu'en soit l'auteur.

        au lieu de se référer à l'original ou une traduction plus fidèle:

       ... comme partie d'un tout, lequel constitue un ouvrage fondé
       sur le Programme, la distribution de ce tout doit être soumise
       aux conditions de la présente Licence, et les autorisations
       qu'elle octroie aux autres concessionaires s'étendent à
       l'ensemble de l'ouvrage et par conséquent à chaque et toute
       partie indifférement de qui l'a écrite.

        La différence essentielle ici tient finalement à peu de chose:
la traduction contrefaite prétend que la GNU GPL "soumet" les parties
indépendante (qu'elle en change la licence) d'un tout soumis à la GNU
GPL alors que la version anglaise ou la traduction plus fidèle de ce
paragraphe ne dit rien de tel. Et Christophe Caron de conclure, suite
à la citation de cette portion : [En d'autres termes, le titulaire des
droits sur un logiciel qui se trouve incorporé dans un programme libre
est censé se voir appliquer, au mépris de l'article 1165 du code
civil, les stipulations d'un contrat auquel il n'a pas souscrit].

        Sur la base de la version originale, la seule conclusion
logique que l'on puisse tirer est qu'il est impossible de distribuer
un logiciel sous GNU GPL incorporant des parties qui sont soumises à
des licences qui contredisent les autorisations données par la GNU
GPL. Si on le faisait, on se trouverait en situation de contrevenir
soit aux termes de la GNU GPL (au titre de ce paragraphe) soit de
contrevenir aux termes des autres licences qui seraient incompatibles
avec les termes de la GNU GPL.

        La situation n'est finalement pas différente dans le logiciel
propriétaire. Si je fait un logiciel dérivé d'un logiciel propriétaire
et que je distribue les parties indépendantes sous les termes d'une
licence propriétaire qui contredit les termes de l'original, il me
sera impossible de distribuer l'oeuvre dérivée en raison des
contradictions entre les deux licences. Pour y parvenir je devrais
modifier ma licence pour qu'elle se conforme à la licence de
l'original ou bien négocier avec l'auteur de l'original une licence
qui soit compatible avec la mienne. Je ne crois pas qu'un seul juriste
se soit avancer à prétendre que cette logique était criticable d'un
point de vue juridique.

        J'avoue que je m'attendais à un article orienté contre le
Logiciel Libre mais ne contenant pas de telles erreurs.  Finalement
cela rend le travail de réponse plus aisé. Je ne suis pas certain de
l'impact que cela peut avoir sur la crédibilité de Christophe
Caron. Un titre possible pour la réponse serait : "Un juriste tire ses
conclusions sur les licences libres sur la base d'une contrefaçon :
une traduction erronée de la GNU GPL".

        Une pique supplémentaire pourrait être ajoutée, même si elle
n'est pas indispensable. J'ai entendu dire que Christophe Caron avait
honoré un contrat pour Microsoft il y a moins d'un an (une étude
portant sur la brevetabilité des logiciels à destination de la
commission européenne si ma mémoire est exacte). Je ne sais pas du
tout si cette information est exacte. Mais si quelqu'un sait dire si
c'est de notoriété publique, cela ouvre un angle intéressant.

        A++,

-- 
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