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[Fsfe-france] Logiciel Libre et droit de la concurrence


From: Loic Dachary
Subject: [Fsfe-france] Logiciel Libre et droit de la concurrence
Date: Fri, 23 May 2003 00:42:58 +0200

        Bonsoir,

        Mes remarques sur la nouvelle version de
http://soufron.free.fr/files/LLDC.html. Je trouve très déroutante la
fascination que semble exercer le "code source". L'objet sur lequel
s'applique la licence n'est pas le "code source", c'est un
logiciel. C'est un point essentiel.

----------------------------------------------------------------------

>    Le droit français de la concurrence est actuellement régi par
>    l'ordonnance du 1er décembre 1986 modifiée par la loi du 1er juillet
>    1996 et il repose sur le principe de la liberté de la concurrence[1]1.
> 
>    En principe donc, tout ce qui n'est pas interdit est autorisé avec
>    l'espoir que cette liberté permette l'apparition de produits nouveaux,
>    qu'elle favorise l'abaissement des prix et l'amélioration de la
>    qualité.
> 
>    Les logiciels libres correspondent pour leur part à des logiciels
>    distribués en même temps sous forme binaire et sous forme de code
>    source par le biais d'une licence qui interdit de rediffuser le
>    logiciel en conserver pour soi les modifications qu'un programmeur y
>    apporterait.

        "logiciel et d'en conserver"

        Cette présentation ne simplifie pas car elle déforme. D'une
part il existe des licences Logiciel Libre qui ne sont pas
copyleft. D'autre part redistribuer le logiciel original tout en
conservant les modification est possible dans tous les cas.

>    Le droit de la concurrence touche aux problèmes de propriété
>    intellectuelle l'arrêt Parke-Davis[2]2 qui énoncait en termes généraux

        Seul le droit d'auteur nous intéresse ici car le Logiciel
Libre n'est pas concerné par les brevets ou les marques, sauf pour
s'en écarter. Par ailleurs il est important d'éviter en toute
circonstance d'utiliser "propriété intellectuelle" à cause de la
confusion que cela comporte, aussi bien pour le juriste que pour le
profane. L'amalgame de l'idée de propriété avec celle des créations
immatérielles est un préjugé. Il faudrait tenter de formuler les mêmes
choses en évitant l'appellation "propriété intellectuelle".

>    l'applicabilité des règles de concurrence à l'exercice des droits de
>    propriété industrielle et intellectuelle, la solution a ensuite été
>    étendue aux droits d'auteurs depuis l'arrêt Magill rendu par la CJCE
>    en 1995[3]3. Les influences croisées des logiciels libres et du droit
>    de la concurrence sont donc parfaitement susceptibles d'être étudieés
>    et, puisque celui-ci réprime spécifiquement les ententes illicites et
>    les abus de position dominante, le plus simple est sans doute de
>    s'intéresser successivement à ces deux hypothèses.
> 
>    I. Logiciels Libres, ententes et liberté de la concurrence.
> 
>    Les ententes entre entreprises sont normalement licites mais
>    l'expérience montre qu'elles peuvent perturber le marché en portant
>    atteinte à la liberté de la concurrence. La forme juridique adoptée
>    par les entreprises qui veulent se concerter est sans influence pour
>    l'application des dispositions prohibant la concurrence. On ne tient
>    compte que de leurs pratiques et des résultats qu'elles ont
>    obtenues[4]4.
> 
>    Mais les logiciels libres imposent une facilité d'accès au code source
>    qui empèche structurellement les ententes entre entreprises puisque
>    celles-ci ne sauraient fonctionner sans une nécessaire part de secret.
>    En effet, au-delà des procédés d'ingénierie inverse qui permettent
>    bien sur d'étudier le fonctionnement d'un logiciel, l'accès au code
>    source simplifie cette étude et empêche la concertation de certaines
>    entreprises contre leurs concurrents ou contre le public.

        Ce n'est pas le procédé d'ingénierie inverse qui permet
d'étudier le fonctionnement d'un logiciel. C'est l'autorisation donnée
par l'auteur du logiciel. Je redis par ailleurs que je ne vois pas du
tout comment la liberté d'étude d'un logiciel est susceptible
d'empècher une quelconque entente entre entreprise. L'attention 
portée ici au code source n'est pas justifiée.

>    Le droit de la concurrence réprime ainsi les entreprises qui mettent
>    en place des systèmes de quotas de production et de répartition des
>    marchés qui maintiennent une pénurie artificielle. Il est évident
>    qu'aucun dispositif de ce type ne pourrait se mettre en place dans un
>    marché ouvert au logiciel libre puisque toute entreprise intéressée y
>    est autorisée suppléer à l'offre déficiente. L'idée même de logiciel
>    libre annihile totalement les possibilités d'accords de ce type sur le
>    marché des logiciels.
> 
>    De la même façon, les ententes en matière de prix pour les maintenir à
>    un niveau élevé (ententes de fournisseurs) ou faible (ententes
>    d'acheteurs) seraient impossible à élaborer puisque, là encore, la
>    libre disponibilité des codes sources des logiciels libres et la
>    possibilité ouverte à tous d'intervenir sur le logiciel empêchent les
>    entreprises de surestimer la valeur de leurs services.

        La mise a disposition des sources est une précondition, ce
n'est pas la cause. Les causes ici seraient les libertés de
distribution et de modification. L'accès au sources est une
précondition d'exercice de la liberté de modification. S'il s'agit
d'être synthétique, je ne mentionnerait pas l'accès au code source car
cela n'apporte rien. Par contre je mentionnerais la liberté de
distribution qui me semble être cruciale pour le sujet de "l'entente
en matière de prix". Ne pas la mentionner me parait être une lacune.

>    En ce qui concerne les pratiques de barrières à l'accès au marché, les
>    boycotts et autres mises à l'index; ces refus collectifs de traiter
>    avec des entreprises pour les évincer du marché ne pourraient pas non
>    plus avoir cours à propos de logiciels libres puisque la licence même
>    utilisée pour les diffuser empêche clairement de refuser l'accès au
>    code source à un tiers.

        Se focaliser ici sur le code source est réducteur et induit en
erreur. Aucune licence libre n'empêche de refuser l'accès au code
source à un tiers. Si je détiens une copie d'un Logiciel Libre et que
quelqu'un me demande d'accéder au code source de ma copie, je suis
tout à fait en droit de lui refuser. Par ailleurs, s'il s'agit de
diffusion/distribution, les termes de la licence Logiciel Libre ne
s'appliquent pas seulement au code source mais aussi au code
binaire. Plutot que de dire "code source et code binaire" je suis
d'avis qu'il serait juste et moins lourd de dire "le logiciel".

>    II. Logiciel Libre, abus de position dominante et équilibre de la
>    concurrence.
> 
>    La liberté de la concurrence n'est pas totale et le droit de la
>    concurrence veille à ce que les plus forts ne puissent pas éliminer
>    définitivement les plus faibles en toutes circonstances. Le principe
>    qui sous-tend le droit des abus de position dominante serait qu'une
>    économie prospère suppose à la fois de grosses et de petites
>    entreprises. On voit déjà que les logiciels libres s'inscrivent
>    particulièrement dans cet objectif puisqu'ils permettent aux
>    entreprises plus importantes de transmettre le code source des
>    applications qu'elles développent ou utilisent à leurs collègues plus
>    modestes .

        Je parlerais plutôt de transmettre la connaissance en
autorisant explicitement l'étude des Logiciels Libres qu'elles
diffusent. Parler de la précondition (l'accès au code source) sans
parler de la liberté d'étude n'a pas de sens.
 
>    Les abus de position dominante sont réprimés selon les mêmes modalités
>    que les ententes[5]5 et ils sont définis comme les activités d'une
>    entreprise ou d'un groupe d'entreprises occupant sur le marché une
>    situation de monopole ou disposant d'une puissance économique
>    manifeste lorsque ces activités entravent le fonctionnement normal du
>    marché.
> 
>    La notion même de position dominante correspond au fait de pouvoir
>    s'abstraire des contraintes du marché en fournissant des produits qui
>    ne sont pas substituables pour le public. Plus particulièrement, la
>    position dominante peut parfaitement résulter d'une disposition légale
>    conférant un monopole ou un quasi-monopole à une entreprise comme
>    c'est bien le cas en matière informatique où les éditeurs de logiciels
>    bénéficient du monopole de l'exploitation de leurs logiciels.
> 
>    La notion d'abus traduit l'idée que certaines pratiques qui sont
>    autorisées à de petites entreprises devraient être interdites à des
>    entreprises en situation de position dominante. Le problème est de
>    déterminer quand la pratique devient abusive parce qu'émanant d'une
>    entreprise qui domine le marché. On adopte donc un critère finaliste
>    en considérant que des hausses de prix ou une diminution de la qualité
>    d'un produit est susceptible de traduire la constitution d'un abus de
>    position dominante.
> 
>    L'abus de position dominante est donc étroitement lié à l'idée qu'un
>    monopole acquis ou un monopole légal peuvent permettre de contrôler
>    ses clients sur un marché pour leur imposer des conditions
>    déraisonnables. Mais les logiciels libres permettent de contourner ces
>    problèmes de constitution de monopole et de rendre caducs leurs effets
>    en permettant la diffusion du code source de sorte que celui-ci ne

        remplacer ici "code source" par "logiciel"

>    permet plus de tenir ses clients en situation de dépendance par
>    rapport à un produit non-substituable à leurs yeux[6]6. Bien plus, le
>    logiciel libre supprime la pertinence de la notion de produit
>    non-substituable puisque la dispoinibilité du code source à tous aux

        remplacer ici "code source" par "logiciel"

>    mêmes conditions facilite l'interopérabilité et autorise l'évolution
>    des solutions logicielles ad vitam aeternam. Comme pour les ententes,
>    le logiciel rend les abus de position dominante structurellement
>    impossibles.
> 
>    Le droit de la concurrence est aujourd'hui un droit en spectaculaire
>    progression aussi bien parce que l'économie française cherche à
>    bénéficier d'un marché efficace que parce que les entreprises
>    françaises souffrent d'un manque d'équité dans leurs relations. La
>    structure actuelle de la propriété intellectuelle accorde aux auteurs

        remplacer ici "propriété intellectuelle" par "droit d'auteur"
car c'est plus précis et évite le préjugé.

>    un monopole sur l'exploitation de leurs oeuvres. Le droit de la
>    propriété intellectuelle doit désormais s'incliner face au droit de la
>    concurrence. En offrant un pouvoir aux auteurs sur leur public, il
>    crée obligatoirement un contexte propice aux développement de
>    pratiques anticoncurrentielles auxquelles les logiciels libres sont en
>    réalité un remêde souverain.
> 
>    [7]1Qui ne figure pourtant pas dans le corps de l'ordonnance de 1986
> 
>    [8]2 29 février 1968, aff. 24/67, Rec. 82 : " Les droits accordés par
>    un Etat membre au titulaire d'un brevet d'invention ne sont pas
>    affectés dans leur existence par les interdictions des articles 85 et
>    86 du traité ; l'exercice de ces droits ne saurait lui-même relever ni
>    de l'article 85 en l'absence de toute entente, ni de l'article 86 en
>    l'absence d'abus de position dominante ".
>
>    [9]36 avril 1995, RIDA 1995, n°165, p.173 : L'arrêt concernait une
>    chaine de télévision irlandaise qui refusait de communiquer ses
>    programmes aux magazines tv pour favoriser la vente de son propre
>    magazine tv. La CJCE a déclaré que la titularité d'un droit de
>    propriété intellectuelle ne confère pas nécessairement une position
>    dominante soulignant ainsi que ce pouvait cependant être le cas dans
>    certaines circonstances. En l'espèce pourtant, le refus d'accorder
>    l'accès à l'information protégée par des copyrights en ce qui concerne
>    les programmes de télévision était un abus, étant donné que cette
>    information était une donnée indispensable afin de permettre à une
>    société de soutenir la concurrence sur le marché des magazines de
>    télévision.
> 
>    [10]4Article 7 de l'ordonnance de 1986.
> 
>    [11]5Article 8-1 de l'ordonnance de 1986.
> 
>    [12]6Il suffit de reprendre l'exemple des formats de fichiers
>    non-libres qui permettent à Microsoft d'imposer des changements de
>    versions à ses utilisateurs quand ils sortent une nouvelle version.
>    Chaque fois qu'un utilisateur B achète un nouveau logiciel
>    propriétaire, les utilisateurs A qui l'avaient acheté au préalable
>    sont obligés de mettre leur logiciel à jour pour pouvoir continuer à
>    échanger leurs fichiers avec B.
> 




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