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[Fsfe-france] Logiciel Libre et droit de la concurrence
From: |
Loic Dachary |
Subject: |
[Fsfe-france] Logiciel Libre et droit de la concurrence |
Date: |
Wed, 21 May 2003 23:18:39 +0200 |
Bonjour,
Pour information, voici un nouveau brouillon de document
fournit par Romain Boucq et à partir duquel je vais travailler
avec l'aide de Mélanie Clément-Fontaine. Je vous tiens au courant
de la suite.
A bientôt,
----------------------------------------------------------------------
Propriété littéraire et artistique & droit de la concurrence : le cas des
logiciels libres
La propriété littéraire et artistique a vocation à gérer des droits
privatifs et leurs conditions d'exercice alors que le droit de la
concurrence gère les relations entre entreprises. Ces deux branches du
droit
ont donc des objectifs et des champs d'application différents. Dès lors,
les
confronter au sein d'une étude semble voué à un résultat relativement
inexistant.
Néanmoins, si les croisements entre les deux branches de droit sont tenus,
ils en existent tout de même. Par ailleurs, ces points de contact sont
plus
nombreux en matière de protection des logiciels car, en ce domaine, le
droit
de la propriété intellectuelle créée une catégorie juridique spéciale avec
des règles adaptées à ce type d'ouvre. Dans ce type d'étude, la gestion du
droit patrimonial d'un auteur de logiciel sera confronté à son
exploitation
d'un point de vue commerciale par une entreprise. Nous nous intéresserons
au
cas des logiciels libres qui constitue une variété juridique particulière
dans le domaine de la gestion des droits des logiciels. Il est important
de
rappeler les principes de chacune des branches juridiques que sont le
droit
de la propriété littéraire et artistique et du droit de la concurrence (I)
afin de bien cerner les enjeux d'une telle confrontation à propos des
logiciels libres (II).
I Principes et objectifs
Il faut rappeler, d'une part, ceux concernant la propriété littéraire et
artistique en matière de logiciel (A) et, d'autre part, ceux du droit de
la
concurrence et son application en matière d'entreprises créatrices de
logiciels (B).
A - Le cas de la propriété littéraire et artistique
Les deux principes fondamentaux à la base du droit d'auteur sont le
respect
de la personne de l'auteur à travers son oeuvre - appelé droit moral - et
le
respect de l'exploitation économique de l'oeuvre par cet auteur - appelé
droit patrimonial. Les atteintes à ces droits sont sanctionnées par
l'action
en contrefaçon.
Dans le cadre des logiciels, il existe une atténuation à ces principes. Le
droit moral ne consiste que dans le respect du nom de l'auteur. En
revanche,
les droit patrimoniaux de l'auteur sont sauvegardés et des éléments
habituellement considérés comme appartenant au droit moral de l'auteur
(modification et adaptation de l'ouvre) sont inclus dans le droit
patrimonial.
D'une manière générale, le droit patrimonial gère les relations entre
l'auteur et les tiers désirant exploiter l'ouvre. Il est important de
souligner que les autres acteurs économiques restent totalement exclus de
cette relation particulière. Quelques soient leurs comportements
extérieurs,
ils ne peuvent intervenir dans la relation et personne, que ce soit
l'auteur
ou le tiers intéressé par l'ouvre, ne peut, sur le fondement du droit de
la
propriété intellectuel, leurs reprocher un comportement particulier.
B - Le droit de la concurrence appliqué au marché de l'informatique
Le droit de la concurrence s'applique aux relations entre entreprises
oeuvrant sur un même marché. Il existe légalement deux types d'atteinte à
la
libre concurrence. A la différence du droit de la propriété
intellectuelle,
les relations qui sont analysés par le droit de la concurrence sont des
relations entre individus ne possédant pas de relation entre eux. Afin de
ne
pas allonger inutilement notre exposé, des exemples correspondant au
marché
de l'informatique seront donnés. D'une part, l'action en concurrence
déloyale sanctionne les comportements anti-concurrentiels des entreprises
(a). D'autre part, il existe un certain nombre d'incriminations réprimant
des comportements spécifiques (b).
a) L'action en concurrence déloyale
L'action en concurrence déloyale est fondée sur l'article 1382 du Code
Civil. Cette action sanctionne un comportement fautif (agissement
contraire
aux usages commerciaux) de la part d'une entreprise à l'égard d'un
concurrent qui subit un préjudice lié au comportement de la première se
traduisant concrètement par une perte de clientèle.
Plusieurs cas de concurrence déloyale ont été répertoriés par la doctrine
:
- le parasitisme ou agissements parasitaires
Le parasitisme économique consiste à se placer dans le sillage d'une
entreprise, concurrente ou non, pour s'approprier ses efforts et ses
initiatives économiques pour conquérir une clientèle. Certains auteurs
considèrent qu'il faut faire des distinctions entre concurrence
parasitaire,
agissement parasitaire et parasitisme économique, néanmoins ces nuances n'
aboutissent à aucune distinction réelle et révèlent un degré différent de
parasitisme ». Ce qui est incriminé est dans ce cadre, le comportement
déloyale de l'entreprise qui va usurper le travail d'autrui.
Dans le domaine informatique, une autre protection existe et se trouve
être
l'action en contrefaçon permettant de protéger les droits de l'auteur.
Ainsi, dans le domaine de la concurrence entre entreprise, l'action en
concurrence déloyale pour agissement parasitaire permet de donner une
protection pour ce qui n'est pas, par ailleurs, déjà protégé.
Les fonctions des actions en contrefaçon et en concurrence déloyale pour
agissement parasitaires sont identiques : la protection d'un
investissement
réalisé, que ce dernier soit humain, matériel, économique ou intellectuel.
- La confusion
La confusion est le fait d'utiliser les signes de ralliement de la
clientèle
d'une entreprise concurrente. Par exemple, le signe peut être le produit.
Au
sein du marché de l'informatique, il existe une multiplicité des produits
fonctionnellement identiques, mais informatiquement distinctes. Toutefois,
il n'y a pas lieu de s'inquiéter de ce fait qui se retrouve dans beaucoup
d'
autres domaines. Le risque de confusion, même s'il existe, n'est pas une
spécificité liée à l'informatique.
- Le dénigrement
La doctrine considère généralement que « le dénigrement consiste à jeter
le
discrédit sur une personne ou une entreprise. » Il s'agit d'un
comportement
malveillant et indépendant de la nature du produit ou du service. De ce
fait, le comportement n'est pas propre au marché de l'informatique.
En ce qui concerne la publicité comparative, la récente transposition de
la
directive permettant l'utilisation de la publicité comparative ne nous
permet pas d'avoir de recul suffisant pour comprendre quelle est son
influence sur le marché de l'informatique.
- La désorganisation
La désorganisation recouvre deux idées distinctes. D'une part, il s'agit
d'
une désorganisation du marché et qui est le fait de plusieurs entreprises.
Néanmoins, les règles spéciales du droit de la concurrence, qui seront
étudiées ci-après, incriminent ces pratiques. D'autre part, il d'une
désorganisation interne de l'entreprise par l'emploi de divers procédés :
débauchage de salarié, appropriation ou divulgation de savoir-faire,
création d'une entreprise concurrente en vue de détourner la clientèle. Il
n
'y a rien de spécifique au domaine de l'informatique et ne nous semble pas
devoir être retenu dans le cadre de cet exposé.
b) Les incriminations particulières
Les principales incriminations sont l'entente et l'abus de position
dominante et constitue le cour du droit de la concurrence. A la différence
de l'action en concurrence déloyale, qui est vraisemblablement une notion
fonctionnelle, ces deux types d'atteinte à la concurrence sont définies
légalement.
- L' entente est définie à l'article L.420-1 du Code de commerce de cette
manière :
« Sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société
du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent
avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la
concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes
expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :
1º Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par
d'autres entreprises ;
2º Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en
favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
3º Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements
ou
le progrès technique ;
4º Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement. »
- L'abus de position dominante est défini à l'article L.420-2 du Code de
commerce de cette manière :
« Est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1,
l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une
position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de
celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en
ventes
liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture
de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse
de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.
Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le
fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive
par
une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance
économique
dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur.
Ces
abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou
pratiques discriminatoires visées à l'article L. 442-6. »
Ces deux atteintes au droit de la concurrence peuvent se synthétiser en
une
réunion d'éléments communs que sont :
- Une entreprise en infraction avec les règles du droit de la concurrence;
- une emprise sur un marché, qu'elle soit le résultat d'une entente entre
entreprises ou par le biais d'une position dominante (détention de
technologie particulière cumulée à un abus de puissance économique);
- une restriction de liberté résultante pour les entreprises subissant les
conditions imposées sur le marché par leurs concurrentes (que ce soit de
manière indirecte par contrecoup du marché ou de manière directe dans
leurs
relations d'affaires);
Le cas de l'informatique est particulièrement concerné par ce type de
comportement. En effet, les entreprises informatiques peuvent par le biais
de l'article L.122-6-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que
l'
auteur d'un logiciel peut se réserver par contrat « le droit de corriger
les
erreurs et de déterminer les modalités particulières auxquelles seront
soumis. » « la reproduction permanente ou provisoire d'un logiciel en tout
e
partie par tout moyen et sous toute forme » et « la traduction, l'
adaptation, l'arrangement ou toute autre modification d'un logiciel et la
reproduction d'un logiciel en résultant. » Ainsi, légalement, une
entreprise
d'informatique - auteur d'un logiciel - peut mettre ses partenaires en
situation de dépendance « informatique », ce qui signifie concrètement une
dépendance économique puisque le client n'aura pour choix soit la
modification de son système d'information au tarif proposé par son
prestataire, soit le changement complet du système d'information en
choisissant un autre prestataire, ce qui entraîne des coûts extrêmement
élevés.
Pour exemple, on peut signaler le cas où le Ministère de la Défense avait
réclamé à Microsoft les codes-source d'un programme pour pouvoir faire
migrer ses archives informatiques, ce que cette entreprise avait refusé de
faire. On constate l'état de dépendance dans lequel peuvent se retrouver
certaines entreprises face à leur prestataire à propos de leur système d'
information. Ainsi, par le biais d'une mise en commun d'une technologie
informatique (format de fichier par exemple), légalement des entreprises
informatiques peuvent se retrouver dans un système d'entente - ceci étant
d'
autant plus favorisé par le fait que les frontières géographiques n'ont
pas
de sens au niveau informatique. Par ailleurs, la détention d'une
technologie
particulièrement répandue a pour conséquence que l'entreprise se retrouve
dans une position dominante dont elle peut abuser, justifié légalement par
la permission qui lui est faite par le biais de l'article L.122-6-1 du
Code
de la propriété intellectuelle.
II Le cas des logiciels libres
Les logiciels libres représentent une variété de logiciels très diverses.
Ils ont en commun une gestion des droits différente de la plupart des
logiciels commerciaux. Le principe de la licence informatique la plus
répandue est celle qui réserve l'intégralité des modifications et des
adaptations à l'auteur du logiciel. Dans le cas des logiciels libres, la
licence permet généralement un accès au code-source et, selon les termes
de
la licence, la possibilité de modifier soi-même le logiciel et de
redistribuer, commercialement ou non, les modifications apportées. Le cas
de
la licence GNU GPL, qui est la plus représentée parmi le monde des
logiciels
libres, sera plus particulièrement évoquée.
Dans ce contrat, l'auteur cède son droit d'exploitation du logiciel à
toute
personne dès lors que celle-ci accepte d'abandonner elle-même les propres
droits privatifs qu'elles auraient pu avoir sur ce logiciel. Ainsi, le
principe est celui du « je reçois parce que moi-même je donne ». Toute
entorse à ce principe sera analysée légalement comme une contrefaçon. L'
auteur a le choix de monnayer ou non ses droits sur le logiciel, ainsi que
le titulaire des droits lorsque celui-ci retransmet les droits qu'il
détient
sur le logiciel.
Dans le cas où les droits portant sur le logiciel ne sont pas monnayées,
il
ne semble pas possible d'appliquer le droit de la concurrence à cet
auteur.
En effet, il ne peut pas y avoir de détournement de clientèle puisqu'il ne
sera pas considéré comme une entreprise. Par ailleurs, la clientèle n'est
pas devant un choix exclusif car elle peut bénéficier du logiciel
propriétaire et du logiciel libre, dans la mesure où ceux-ci seraient
compatibles.
Bien plus, l'entreprise considérant être victime d'un logiciel libre est
libre de se l'approprier et de l'adapter sans risquer une action en
concurrence déloyale pour parasitisme puisque le contrat lui permet d'
effectuer ces actes en toute légalité. Dès lors, elle peut redistribuer et
monnayer son travail auprès des entreprises. Par ailleurs, beaucoup d'
entreprises informatiques jouent sur la personnalisation du logiciel
auprès
de leurs clients, situation rendue possible du fait du gain de temps de
développements réalisé par l'utilisation des logiciels libres. Le cas
d'IBM
est un exemple de réussite dans ce domaine.
Ainsi, les logiciels libres permettent une diffusion de technologie sans
possibilité de constituer des ententes et de créer des abus de position
dominante pour les entreprises informatiques. Les entreprises sont ainsi,
de
fait et sans intervention législative, dans une véritable concurrence.
--
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- Re: [Fsfe-france] Logiciel Libre et droit de la concurrence, (continued)
[Fsfe-france] Logiciel Libre et droit de la concurrence, Loic Dachary, 2003/05/13
[Fsfe-france] Logiciel Libre et droit de la concurrence, Loic Dachary, 2003/05/13
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Re: Re:[Fsfe-france] Logiciel Libre et droit de la concurrence, address@hidden, 2003/05/22
Re: Re:[Fsfe-france] Logiciel Libre et droit de la concurrence, address@hidden, 2003/05/22
[Fsfe-france] Logiciel Libre et droit de la concurrence, Loic Dachary, 2003/05/22
Re: [Fsfe-france] Logiciel Libre et droit de la concurrence, address@hidden, 2003/05/22
Re: [Fsfe-france] Logiciel Libre et droit de la concurrence, address@hidden, 2003/05/22